Paroisse Protestante de Quaregnon

A l'aube du nouveau millénaire, deux paroles du Christ doivent retentir : la première où il se décrit : "Je suis la lumière du monde " et la seconde qui révèle la vraie nature de ses disciples : "Vous êtes la lumière du monde ".


Voici comment le Christ lie ces deux affirmations : "Je suis venu dans le monde, moi qui suis la lumière, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres ".

Dès leur libération de la nuit, les illuminés reçoivent une mission : "Faites de toutes les nations des disciples ".

Pour la réaliser, un chemin leur est tracé : "C'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres que tous connaîtront que vous êtes mes disciples ".

On ne le rappelle jamais trop : c'est par nos oeuvres d'amour fraternel, de lumière que nous arrachons des créatures de Dieu aux ténèbres.  Nos oeuvres sont nos missionnaires.  Rappelons-nous cet ordre du Maître : "Que votre lumière luise devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux ".  La conversion des incroyants est liée à la vie des disciples.


Nous, disciples du Seigneur, devons nous reconnaître , sans exception, responsables.  Oui, mais de qui, de quoi ?  La liste qu'il faudrait dresser est sans fin et toujours incomplète.  Il faut donc choisir.  Pour guider mon choix, j'ai interrogé l'histoire et l'actualité.


Le professeur Chaunu a remarqué que la Réforme est née, s'est installée et développée là où trois facteurs se trouvaient réunis : le recul de l'âge du mariage, la poussée de l'alphabétisation et de l'écrit et des zones de peuplement groupant des agglomérations de plus ou moins cinq cents âmes.

Quant à l'actualité, nous remarquons, en Europe, que l'Eglise ressemble souvent à une peau de chagrin.  Les assemblées dominicales s'amenuisent au fur et à mesure des décès.  La relève ne se réalise plus normalement : les départs, souvent, l'emportent sur les arrivées.  Des bras jeunes ne prennent plus en nombre suffisant le flambeau de la foi des mains défaillantes.  Ce problème actuel a déjà été dénoncé à la fin du siècle dernier par le pasteur Tommy Fallot : "... actuellement il y a fort peu d'églises vivantes; ce sont des exceptions; il faut ... qu'elles deviennent la règle, sinon notre peuple retournera au paganisme ".

Sans mettre en doute la merveilleuse promesse "... les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre l'Eglise ", une vigilance très lucide est de mise.  La vieille centenaire, toujours féconde, que nous fêtons, doit donc considérer ses responsabilités dans la famille, l'enseignement et la société.



Famille

Chaque disciple du Christ est responsable de son conjoint, des enfants, petits-enfants ... et vieux parents que le Seigneur lui a donnés.

Ernest Naville, philosophe réformé genevois du siècle dernier, nous a laissé cette pensée qui conserve une étonnante actualité "... la famille ... est la molécule vivante dont dépend, en très grande partie, le bien et le mal de la société générale.  Elever l'enfant, le prendre sur la terre pour lui imprimer un mouvement d'ascension vers le ciel, c'est la tâche que doit commencer la famille ... et que doit poursuivre l'Eglise ".

Le saint mariage constitue le fondement solide de la famille.  Une des grandes révolutions spirituelles de la Réforme a été la redécouverte de la sainteté du mariage.  En 1562, Calvin disait en chaire : "... le lien le plus sacré que Dieu ait mis entre nous, est du mari et de la femme ".

Pour nos pères, cette union sainte trouve sa vraie expression dans la transmission : "Dieu nous appelle ... non seulement afin qu'il soit servi et honoré de nous jusqu'à notre trépas, mais afin que nous ayons cette étude que ceux qui viendront après nous fassent le semblable ... ceux qui ont des enfants, doivent penser qu'ils auront à en rendre compte ".

Pour comprendre cette responsabilité et l'accepter, les parents doivent être convaincus qu'ils ont un héritage à transmettre, qui est précieux et vaut d'être transmis, que cette transmission est plus importante que le transfert des biens terrestres et l'apprentissage des moyens d'en gagner.  Les parents admettront cette responsabilité et la vivront quand ils découvriront que leur maison est placée sous l'autorité de Dieu, dont ils sont les serviteurs.


Ecole

De l'obligation d'ouvrir une école lors de l'édification d'une communauté au XVIème siècle, il convient de tirer une leçon valable aujourd'hui et demain.  Le Protestant doit savoir lire, et très bien, très couramment, car il doit être un lecteur assidu de l'Ecriture Sainte.  La transformation actuelle des moyens de transmission s'accompagne, hélas, d'une augmentation du nombre d'analphabètes et de lecteurs hésitants, approximatifs.  La télévision et la bande dessinée ne remplaceront jamais le texte sacré.  Elles peuvent servir de moyens d'évangélisation, elles ne remplaceront jamais la relation personnelle du croyant avec Dieu dans le silence de la lecture priante de l'Ecriture.  Le moment est peut-être proche où les Eglises devront à nouveau ouvrir des écoles du soir et refaire ce que faisaient, dès 1903, le pasteur Leuba et son épouse à Quaregnon, en accueillant dans leur presbytère de la rue Jean Jaurès les mineurs sympathisants ou convertis, au retour de la mine pour leur apprendre à lire, à écrire, puis à solfier. Le Protestant doit être un fervent défenseur de la culture par le livre et spécialement, bien sûr, par le Livre Saint.



Société

Comme la Réforme s'est développée harmonieusement dans de petits centres urbains, situés dans de vastes zones civilisées, nous devons déduire que la Réforme est, par nature, allergique à toute organisation gigantesque et centralisatrice.  Sa forme de vie pluricentrique l'amène à apprécier toute organisation de type fédératif.  Elle situe l'autorité dans l'Ecriture et place le pouvoir, à la base de ses structures, dans les assemblées d'Eglise.  Le Réformé peut donc bien situer sa responsabilité dans l'organisation de la Cité : il est opposé à toute organisation de masse dans laquelle l'homme, élu par Dieu à une tâche spécifique et irremplaçable, est réduit au rang d'objet dont des autorités, quelles qu'elles soient, manipulent les besoins et les désirs.


Dans cette synthèse, élaborée à partir de l'Ecriture par Calvin, tout mal a une origine spirituelle et manifeste une opposition entre la volonté de Dieu et la tentative de l'homme.  Tout mal procède d'une faille spirituelle.  Guerre, injustice et pollution sont des retombées de l'explosion spirituelle qui jette l'homme loin de son Créateur et Sauveur.  C'est pourquoi la prédication est la première tâche de l'Eglise.  En proclamant énergiquement et sans périphrase lénifiante la Parole de Dieu, l'Eglise accomplit sa mission spécifique, que personne n'accomplit à sa place et qui seule, en transformant les hommes, peut changer la volonté de posséder et de dominer en respect des autres, reçus comme images de Dieu.  Se situer là, au centre du séisme, c'est se trouver au coeur du combat.  Contrairement à ce qu'on entend trop souvent, annoncer la Bonne Nouvelle de la libération et du salut n'est pas fuir les problèmes du temps, c'est les affronter à leur racine.  Se consacrer à l'ultime ordre de Notre Seigneur Jésus-Christ "faites de toutes les nations des disciples ", ce n'est pas se réfugier dans une tour d'ivoire, ni s'enfoncer la tête dans le sable, c'est distinguer l'essentiel de l'accessoire et se souvenir que le bien, c'est la volonté de Dieu.


Aujourd'hui, à l'image des Anabaptistes au XVIème siècle, existe une tendance protestante qui considère les lois du monde mauvaises et estime que l'Evangile ne peut y être appliqué.  Les représentants de cette conception s'attacheront à sauvegarder l'intégrité de leur vie intérieure en abandonnant le monde au mal.  Ce sont des pessimistes.  Mais la tradition réformée, dont les Pères sont Zwingli, Bucer, Farel, Calvin, Viret, Knox et Guy de Bray, est optimiste.  Elle considère ce dualisme moral inacceptable.  Le chrétien ne peut d'aucune manière abandonner le monde au mal.  Il doit, au contraire, faisant partie de l'humanité restaurée, sanctifier la vie sociale, coopérer à l'oeuvre divine, car le royaume de Dieu peut et doit être réalisé ici-bas, même si sa parfaite réalisation ne se verra qu'à la Parousie, au jour sans soir du Retour en Gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il ne peut y avoir de doute sur la toute puissance de Dieu et sur son parfait gouvernement du monde.  Nous n'avons rien à craindre.  La peur et l'agitation n'ont pas de place dans le Corps du Christ.  L'Eternel ne dit-il pas par la bouche du prophète Esaïe : "C'est dans le calme et la confiance que sera votre force ".

Les chrétiens, en réalisant leur vocation là où Dieu les place et avec les forces qu'IL leur donne, font croître l'humanité nouvelle - étant bien entendu que chacun, sans exception, reçoit de Dieu une vocation.

Bien qu'il n'y ait pas de riches dans cette communauté, le sage commentaire de Calvin vaut d'être rappelé.  Pour le Réformateur, si le droit de propriété est sacré - un don de Dieu -, il est relatif.  L'homme ne peut en disposer comme il veut.  C'est un dépôt, dont il devra rendre compte.  Vision qui détermine les rapports des pauvres avec les riches.  Commentant II.Cor.IX.7., il écrit : "les riches ont reçu plus grande abondance, à cette condition qu'ils soient ministres des pauvres, en dispensant les biens qui leur ont été mis entre les mains par la bonté de Dieu ".

Dieu, le défenseur protecteur des pauvres, leur a donné une place dans son plan.  Dans une prédication, en 1556, Calvin mettait ces mots dans la bouche de Dieu : "Que vous ne fraudiez point de ce qui m'appartient, je constitue les pauvres mes procureurs pour l'aller recueillir ".

Le noeud du problème social gît dans le manque de foi en la Providence.  De là surgissent accaparement, volonté d'engranger, spéculation, refus de partage ...  Redécouvrir la Providence de Dieu, c'est permettre à notre société malade de se lancer en avant.  Dans cet avant où l'on entend Dieu nous dire : "Les cheveux même de votre tête sont tous comptés ". 


Redécouvrir la Providence de Dieu, c'est comprendre l'importance de chaque pierre dans le mur.  Chaque homme a reçu une vocation et peut, en la réalisant, dans l'attente de la Parousie, participer à l'édification d'un monde plus juste et plus harmonieux.  Aucune vocation n'est inutile, car toutes viennent de Dieu, et chacun peut influencer par son labeur fidèle cette édification.



                                                Pasteur Léopold Schümmer


Professeur à la Faculté Universitaire de Théologie Protestante de Bruxelles

Maître de conférences à l'Université de Liège

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